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Il a été l'assistant d'Alain Jardel à Mirande, ensuite coach de cette même équipe, et maintenant il assiste Claude Bergeaud à Pau-Orthez et encore Alain Jardel avec l'équipe de France féminine. Il fait donc partie des personnes qui connaissent le mieux ces deux milieux bien différents. Il les compare et nous en parle ... (Interview de Jacques (dit Jacky) Commeres par Cathy Melain, réalisée début Février 2000).


C.M. : Qui est Jacky Commeres ?
J.C. : J'ai un parcours très moyen de joueur. Par contre, je me suis intéressé très tôt à l'entraînement. J'entraînais et je jouais déjà quand j'étais tout jeune dans un petit village du Gers, du nom de Riguepeu. Puis en 1984, je suis allé à Mirande où j'ai rencontré Alain Jardel (ex entraîneur du BAC Mirande et actuellement Entraîneur de l'équipe de France féminine). Je suis arrivé l'année où l'équipe féminine montait en 1ère division. Au départ, j'ai entraîné les équipes de jeunes. Puis, j'ai passé tous mes diplômes d'entraîneur à Mirande. Progressivement, en 1986, j'ai entraîné le centre de formation avec Laurent Villard. Nous fonctionnions à trois : Alain, Laurent et moi pendant……de nombreuses années. Vers 92-93, Laurent a dû partir pour devenir l'entraîneur d'Aix-en-Provence.


C.M. : Quel est le plus haut niveau auquel tu aies joué ?
J.C. : J'ai joué en excellence régionale dans mon petit village mais aussi à Mirande, il y avait une équipe que j'ai entraînée un certain moment.

C.M. : Je crois savoir que tu es instituteur, comment cela se passe-t-il ?
J.C. : Je suis prof d'école, conseiller pédagogique en éducation physique. Et, je me suis mis en disponibilité. Normalement, si tout se passe bien, j'ai signé l'an dernier un contrat de 3 ans avec l'Elan Béarnais. Je n'ai pas de projet particulier ensuite.

C.M. : Penses-tu rester dans le coaching ou réintégrer la fonction publique un jour ?
J.C. : Pour l'instant, je prends beaucoup de plaisir à être dans le métier de l'entraînement. Donc, je souhaiterais que cela continue.

C.M. : Quel souvenir gardes-tu de ta première expérience de coach n°1 à Mirande en 97-98 ?
J.C. : Ca s'est mal passé sur le plan économique puisque le club a déposé le bilan. Mais j'en garde un excellent souvenir parce que cela s'est très bien passé avec les joueuses. Nous avons débuté par des résultats intéressants. Et à l'époque, il y avait une équipe qui était très mature et avec des joueuses qui avaient une complémentarité très intéressante. Nous étions parvenus à trouver un équilibre de jeu qui nous aurait permis de faire des choses pas trop mal. L'équipe était bien construite. J'en garde un bon souvenir.

C.M. : Comment es-tu arrivé à Pau ?
J.C. : L'année où Mirande a disparu, Jacques Monclar était l'entraîneur de Pau. Il n'a plus entraîné Pau en cours de saison. Et Claude Bergeaud a pris le coaching de l'équipe. Je le connaissais depuis longtemps, c'est le mari de Nathalie Etienne (ancienne joueuse de Mirande et internationale). A la fin de la saison, Claude a souhaité avec les dirigeants de Pau, que je puisse venir l'assister. J'ai tout de suite accepté. Pour deux raisons : la première, dans le monde de l'entraînement de la région du sud-ouest, si tu as la possibilité d'aller à Pau d'emblée tu sautes dessus. Ensuite, par rapport à ce que Pau représentait sur le plan historique et ce qu'il représentait l'an dernier, à savoir d'avoir la possibilité de jouer la première place du championnat de France et de jouer l'Euroligue. C'était vraiment une aventure très excitante.

C.M. : En quoi consiste ton rôle à Pau ?
J.C. : Je suis assistant auprès de Claude Bergeaud sur l'équipe professionnelle. Et puis, je travaille également au niveau des espoirs. Pour les espoirs, je travaille avec Paul Henderson, qui travaille aussi avec les professionnels, et un autre jeune entraîneur. Pour les espoirs, je ne m'occupe que de l'aspect collectif, plus du coaching. Les espoirs ont une programmation assez individualisée, sur le plan de la formation physique, technique et tactique. Et avec Claude, je fais le boulot d'un assistant. C'est à dire, des préparations de matches, vidéo, statistiques. Nous travaillons en commun sur la préparation des entraînements. C'est vraiment très agréable parce que nous nous entendons bien. C'est très intéressant de travailler avec lui parce que c'est une personne très ouverte et qui a une notion du staff très importante. Ce n'est pas quelqu'un qui est tout seul dans son coin, qui ne partage pas ; c'est tout le contraire.

C.M. : Vous travaillez à deux ?
J.C. : Non, c'est lui le coach. C'est lui qui prend la pression. C'est lui qui prend les décisions, que ce soit sur le bord du terrain dans le coaching que dans l'orientation générale du jeu.

C.M. : As-tu eu des opportunités d'être le coach n°1 d'une équipe professionnelle ?
J.C. : Oui, j'en ai eues dans le basket féminin. Je trouvais que la proposition que j'avais de travailler à Pau était quelque chose qui représentait beaucoup, c'était aussi une façon de rebondir. C'était nouveau pour moi et cela pouvait être de toute façon, très enrichissant.


photo J. Boutet
C.M. : Et ton rôle en équipe de France féminine ?
J.C. : C'est également un rôle d'adjoint avec Ivano Ballarini (CTR région Ile de France, photo de gauche ...). C'est un peu dans le même style de travail. Alain Jardel sait aussi travailler en staff, contrairement à ce qu'il peut donner comme image de lui-même. Il paraît, pour certaines personnes, froid et distant. C'est un précurseur dans la constitution de staff. A Mirande, en 1985-1986, nous fonctionnions déjà à trois. Nous avons, en équipe de France, des répartitions de travail. Nous sommes tout le temps en relation pour préparer les matchs et les entraînements, pour intervenir sur le terrain. Ce sont des fonctions d'assistant qui sont très riches et très valorisantes parce que tu es complètement intégré au projet de l'équipe.

C.M. : Quels sont les problèmes que tu peux rencontrer pour remplir ces deux fonctions (Pau et équipe de France féminine) ?
J.C. : Il y a des problèmes de calendrier. Tu as vu, par exemple, pour votre campagne en Pologne au cours de cette saison sportive (rassemblement du 22 au 27 novembre 1999). Je n'ai pas pu vous suivre, mais j'ai pu quand même assister à ce fameux All-Star Game féminin (27 novembre 1999). Dans la mesure où ces calendriers sont compatibles, je peux mener de front ces deux choses là. Autre exemple, pour le dernier championnat d'Europe cet été, il y a eu une bonne collaboration entre mon club, mon président, et la fédération pour mise à disposition.

C.M : Nous allons, maintenant, essayer de comparer les femmes et les hommes. Je te donne un thème, et tu me dis ce que tu en penses. Les structures ?
J.C. :Aujourd'hui, le basket masculin va être amené à redescendre un petit peu, parce qu'incontestablement, il y a des problèmes économiques. Le virage médiatique n'est pas celui qui aurait pu être attendu dans les années 90. Je pense que nous ne sommes pas dans une période de croissance, loin de là. Je crois que, pour les principaux clubs de PRO A, les structures sont complètes. Il y a des professionnels aux postes administratifs et à la direction sportive. Chose qui est difficile pour les budgets des clubs féminins. Par contre, ce qu'il y a à Bourges et peut-être à Valenciennes, est supérieur à certains clubs professionnels PRO A ou PRO B.

C.M. : Les choix tactiques ?
J.C. : J'ai tendance à croire que le basket masculin est plus difficile. Parce que les espaces sont plus restreints. Le terrain est le même mais le ballon va plus vite, les individus sont plus grands et plus costauds. En attaque, tu as moins de place pour évoluer avec ou sans le ballon. Il y a moins de largeur de distance de passes. Les temps de réaction à avoir dans le basket masculin sont plus court que dans le basket féminin. Les hommes sont contraints à avoir plus de rapidité de décision. Le ballon va plus vite d'un joueur à l'autre.

C.M : La technique individuelle ?
J.C. : Je pense qu'il y a des joueuses techniquement qui sont aussi fortes sinon meilleures que des hommes. Par contre ce que j'observe, pour caricaturer un peu, c'est que les hommes ont un plus au niveau individuel et les femmes un plus au niveau du groupe. Les hommes, incontestablement, ont des caractères forts, une recherche de performance et de solution individuelle. Les femmes ont moins d'agressivité naturelle pour les compétitions sportives. Elles ont moins l'esprit conquérant, l'esprit gagneur à l'entraînement individuel et collectif. Ensuite, je vois que les jeunes joueurs, et même les professionnels, s'intéressent un peu plus au sport, à tous les sports. Ils ont développé une aptitude à l'imitation plus importante que les filles. Ils sont vraiment à la recherche d'une gestuelle de basketteur, c'est fondamental pour progresser vers le haut-niveau. Parfois, cela sera un défaut car ils poussent cette recherche à l'excès. Tous ces caractères font que cela débouche sur un ego surdimentionné, ce qui s'avère négatif. Les joueurs se sentent forts, ils veulent le ballon, ils veulent créer quelque chose avec, ils veulent avoir une expression offensive individuelle…Les femmes seraient inspirées de développer ces caractères forts de compétitrices, cette agressivité dans la performance, développer le regard qu'elles portent sur le basket. Elles devraient voir du basket et avoir la volonté d'imiter certains gestes. Ce que certaines ont, d'ailleurs. Une fille comme toi, comme Audrey, vous avez vraiment une gestuelle de basketteur, dans votre attaque du panier en particulier.

C.M. : La discipline collective et l'impact du coach ?
J.C. : Je crois que vous êtes beaucoup plus disciplinées collectivement et individuellement. Là, nous tombons sur de la psychologie. Chez les filles, je l'ai remarqué avec Mirande et avec l'équipe de France féminine, il faut toujours que le groupe féminin soit balisé, que le coach fasse énormément attention à la dynamique du groupe. Vous êtes énormément observatrices par rapport à : où vous êtes dans ce groupe ? Comment on se comporte avec vous par rapport aux autres ? Vous êtes toujours en train de vous comparez à l'intérieur du groupe et de mesurer tout ça. Chez les hommes, NON ! Dans le monde professionnel, il y a des joueurs qui partent en cours d'année, d'autres qui arrivent. Ils ont moins d'affectif pour le groupe. Ils sont moins dépendants du groupe que vous l'êtes. Par contre, les filles, quand elles ont un projet collectif et un groupe qui fonctionne bien, elles ont une discipline que n'ont pas les hommes et qui donne des résultats. Parfois, les hommes sont faibles en défense et échouent en attaque parce qu'ils manquent de discipline. Il y a toujours un joueur qui fait un truc en plus, qui fait que l'équipe a du mal à jouer. Chaque joueur pense que, vraiment, il peut faire le geste de plus, prendre le match à son compte. Et cela est très dur à gérer, avoir le contrôle de ces égos c'est très difficile. Je pense que vous êtes, vous les filles, plus modestes, dans le bon sens du terme. Ce n'est pas du tout péjoratif. Vous pensez que les solutions, ce sont à 2, à 3, à 5 que vous allez les obtenir. Beaucoup plus que chez les hommes, même si cela évolue au plus haut niveau. Parce qu'au plus haut niveau, en Euroligue masculine par exemple, il faut partager les temps de jeu, être aussi fort sur le plan défensif qu'offensif. Les choses se rééquilibrent un peu.

C.M. : Les relations humaines ?
J.C. : Le monde professionnel des hommes, comme je le connais à Pau, est dur. A Pau, les dirigeants, les sponsors et la politique générale du club ont un niveau d'exigence qui est très élevé. Il y a beaucoup de pression sur les joueurs et les entraîneurs. Quand les joueurs (en particulier les joueurs étrangers et Bosman) sont au niveau inférieur à leur production attendue, les joueurs peuvent être coupés sans ménagement. Cela met la pression. En fait, les rapports avec les joueurs sont professionnels. Des rapports où l'affectif est moins important que dans les équipes féminines, où parfois il faut faire de la communication au groupe et aux individus.

C.M. : Certaines personnes pensent que le basket masculin et le basket féminin ne sont pas un même sport, qu'en penses-tu ?
J.C. : Je pense qu'au plus haut niveau, on retrouve les mêmes paramètres qui font que les matches se gagnent ou se perdent. Et je pense qu'au plus haut niveau, les matchs se ressemblent dans ce que les individus ou les équipes sont capables ou incapables de produire.

C.M. : Quel est ton meilleur souvenir avec les hommes et ensuite avec les femmes ?
J.C. : J'en ai trois : Le premier, et même les titres qui ont suivi, de champion de France à Mirande. C'était quelque chose d'énorme parce que c'était toujours ce petit club, ce petit village, qui faisait partie des grands de France et même à un certain moment des grands d'Europe. C'était à l'époque, par rapport à l'engouement de la population, quelque chose d'énorme. Après, dans l'ordre du temps, le titre que j'ai eu la chance de vivre ici à Pau, l'an dernier. Toute l'année a été extraordinaire, techniquement, tactiquement. Le troisième, c'est notre médaille d'argent aux championnats d'Europe féminin. Mais cela me laisse un gros regret parce que je me souviens après la finale d'avoir râlé comme un fou de ne pas avoir eu la médaille d'or. Avec le recul, je m'aperçois que c'était une aventure formidable. Je me souviens d'avoir râlé, râlé, râlé les minutes qui ont suivi. Un autre plaisir très important, c'est de voir éclore un ou une de ses joueurs espoirs dans le groupe professionnel.

C.M. : Quel est le joueur ou la joueuse qui t'as le plus impressionné ?
J.C. : Pour rester dans ce que je disais, le basket masculin tourné vers l'individu et le basket féminin tourné vers le groupe. Je dirais, en filles, ce que vous faites à Bourges, je trouve que c'est exceptionnel. L'enchaînement de vos titres, des " final four ", de ce maintien que vous avez au plus haut niveau de la compétition. Je trouve que c'est fort parce que les gens ne savent pas combien c'est difficile de jouer le rouleau compresseur comme vous le faites depuis des années sur le championnat de France. Et puis de tenir votre rang en Europe comme vous le faites, je trouve que c'est formidable. Ensuite, j'ai énormément d'estime pour deux joueurs. D'abord, pour celui que j'approche tous les jours, c'est Didier Gadou. Un mec que je trouve remarquable dans son rôle de capitaine et de son rôle de joueur véritable ciment d'une équipe. Ensuite un joueur que je trouve très fort dans sa progression, dans ce qu'il a fait, dans ce qu'il est devenu, dans ce qu'il représente maintenant dans le basket masculin en Europe et pour la grosse carrière qu'il fait en Italie où il est très dur de s'imposer : c'est Antoine Rigaudeau.

C.M. : Y a-t-il un coach qui t'as influencé dans ta manière de percevoir le basket ?
J.C. : Il y en a deux. Incontestablement, il y a Alain Jardel, tout ce que j'ai pu faire avec lui dans le basket féminin. Et puis, Claude Bergeaud qui a une expérience très très riche. Il a été assistant pendant 9 ou 10 ans avant d'être coach n°1 d'une équipe professionnelle. Il a travaillé avec des personnes comme Michel Gomez et Jacques Monclar. Donc ce sont des sources d'inspiration très intéressantes.

C.M. : Et un coach que tu ne connais pas ?
J.C. : Tu ne connais réellement les coaches que quand tu travailles avec eux.

C.M. : Pendant ta saison à Pau, as-tu le temps de t'intéresser au basket féminin ?
J.C. : Oui, le peu qui passe à la télévision, je le vois tout le temps. Puis ensuite, par les contacts que j'ai avec Alain Jardel, je prends des nouvelles sans arrêt. J'essaye d'avoir un regard sur les statistiques et sur tout ce qui peut y avoir sur le basket féminin.

C.M. : Comment est Jacky Commeres le coach ?
J.C. : Actuellement, je suis en train de réfléchir sur la façon d'enseigner le basket aux plus jeunes. Je vois que les générations changent, se modifient. Je m'interroge sur les degrés d'acceptation du joueur par rapport à la relation que tu peux avoir avec eux, sur la façon d'enseigner le basket. Quel type de pédagogie employer ? Est-ce une pédagogie d'encouragement ? Jusqu'à quel niveau sont-ils capables d'acquérir une dureté de rapport et d'entraînement ? Ensuite, le maître mot de ma réflexion concernant les équipes professionnelles est l'adaptabilité. Avec la constitution d'équipes professionnelles fluctuantes, on doit parvenir à une rentabilité immédiate. Il faut trouver une forme d'expression des joueurs qui puissent leur convenir immédiatement. Utiliser le maximum du groupe que tu as, en peu de temps. C'est difficile d'afficher des certitudes. Et puis nous allons venir aux 24 secondes, donc je pense que nous allons vers un basket où il va y avoir bien sûr de la connaissance du jeu, parce que sans ça tu ne peux pas jouer. Mais on va aller vers des aptitudes de basketteurs qui devront être de plus en plus fort dans la défense basique, c'est-à-dire tenir son adversaire en respect en 1 contre 1, être capable de prendre des rebonds à tous les postes de jeu. Je crois qu'il est très important, avant de parler de jeu collectif et de système de jeu, d'être très fort dans les relations à 2, à 3, être très fort également dans la façon de jouer un adversaire en 1 contre 1. Et à partir du moment où tu as des joueurs qui sont remarquables là dedans, tu découvres qu'installer des formes de jeu, des systèmes à 5 joueurs, ce n'est pas un problème…si le jeu de passe est une volonté.

C.M. : Si tu avais le choix d'entraîner l'équipe de France masculine ou féminine, laquelle choisirais-tu ?
J.C. : (rire) Ca, cela n'arrivera jamais !

C.M. : Imagine !
J.C. : Je réponds par une pirouette. Je n'ai pas du tout de plan sur la comète par rapport à une équipe masculine ou féminine. C'est-à-dire que je peux très bien me retrouver demain dans le basket féminin. Et si je m'y retrouve, cela sera vraiment avec un grand plaisir. J'essayerais de me servir complètement de l'expérience que j'ai du basket masculin. Et si je reste dans le basket masculin, je souhaiterais plus de discipline collective comme dans le basket féminin.

Merci beaucoup Jacky, à bientôt.