Il a arbitré le 5ème match des play-offs Bourges-Aix. A la fin de celui-ci, Cathy Melain a voulu en savoir plus
sur la vie d'un arbitre. Avec sa gentillesse habituelle, Philippe Mailhabiau répond à ses questions.
Cathy Melain : Quel a été ton parcours sportif avant d'être arbitre ? Philippe Mailhabiau : J'ai été joueur, d'un niveau National 3, guère plus haut, excellente
à l'époque. J'ai touché à l'arbitrage par hasard. Mais j'ai eu la chance de monter très vite. Je me
suis retrouvé à 20 ans chez les pros, en ayant fait 1 ou 2 saisons en Nationale 2 à l'époque, ce qui
correspond à la Pro B maintenant. En fin de compte, avec le recul, je dirais qu'avec l'arbitrage, j'ai atteint un niveau que je
n'aurais jamais atteint en tant que joueur. Donc, c'est quand même sympa !
Philippe Mailhabiau (Ph. MaxiBasket)
C.M. : Pourquoi as-tu choisi d'être arbitre ? P.M. : Par hasard, c'est peut-être la façon dont j'aimais diriger, côtoyer le haut-niveau.
Avec le temps et les matches, ça m'a bien plu et je me suis pris au jeu. J'ai vu que je pouvais faire des gros trucs.
C.M. :Quels sont les tests ou examens à passer pour être arbitre ? P.M. : Il y en avait à l'époque, à chaque niveau ; départemental, région,
inter-région et national. Maintenant, on passe un diplôme d'arbitre, qui nous donne l'autorisation, en fonction de stages et
de compétences vues par d'autres, de voir si on a le niveau national ou international. Au niveau international, il faut passer un
examen.
C.M. : Quels sont les difficultés d'être arbitre ? P.M. : Des difficultés de vision, de réflexion, de réaction, d'être tout seul, de
connaître un peu le jeu, de se remettre en cause à chaque fois ; ce n'est jamais acquis. C'est comme un joueur ! Nous avons
les mêmes réactions, sauf qu'il fait partie d'une équipe, donc il peut arriver à se camoufler une fois. Nous,
nous ne pouvons pas ! Il faut être au top tout le temps. Il ne faut pas se cacher.
C.M. : Etes vous surveillés pendant la saison ? P.M. : Tous les ans, on est vu au moins 10 fois, plus les vidéos en championnat de France Pro A. A partir
de là, il est établi un classement, qui forme des groupes et qui permet de savoir si on va en Play-Off ou si on redescend.
Il y a deux arbitres qui vont descendre en Pro B l'année prochaine.
C.M. : Quel est ton classement actuel ? P.M. : Disons que je ne suis pas trop mal classé.
C.M. : C'est-à-dire ? P.M. : Je suis dans les premiers.
C.M. : As-tu dépassé Monsieur Dorizon ? P.M. : Non, je ne cherche pas du tout à le passer. Tout bonnement, parce que j'ai levé le pied au
niveau international. J'ai décidé de faire plus au niveau de mon travail. Il faut penser à l'après basket.
J'ai quand même tout connu et j'ai toujours la motivation pour rester en haut. Et c'est ce qui m'intéresse, pour l'instant
j'y suis.
C.M. : Quels sont les plus grands événements auxquels tu as participé ? P.M. : Les championnats du monde, les Jeux Olympiques à Barcelone ...
C.M. : La finale des J.O. ? P.M. : Oui. J'ai fait les championnats du monde féminin à Sydney, où tu étais. J'ai
fait 3 finales de coupe des coupes, 3 Final Four, 4 championnats d'Europe… J'ai plus de 550 matches en Pro A, plus de 300 matches en
international. J'ai eu la chance de bien me promener.
C.M. : Quels sont les difficultés pour des matches à grosse pression ? P.M. : Quand on arrive, on est déjà prêt dans notre tête à 100%. Je faisais la
préparation plus avant, que le jour même du match. Si on n'est pas prêt le jour du match, on passera au travers. Il y
a la pression, mais quelque part nous en avons besoin. C'est un bon stress.
C.M. : Le public te gêne ? P.M. : J'aime autant qu'il y est beaucoup de monde. J'aime quand la salle est pleine, que ça bouge, que
ça remue. On est obligé de rester dedans. Et les joueurs, lorsqu'il y a une grosse pression, sont plus sains. Il y aura
moins de tricherie. Il y a des trucs qui vont se passer, c'est normal, ils sont là pour jouer et nous arbitrer.
C.M. : Même en Grèce ou en Turquie, par exemple ? P.M. : Bon, de temps en temps, nous sommes partis difficilement. Mais je suis revenu entier alors ça va !
Je n'ai jamais eu de gros gros problèmes. J'ai eu des pièces de monnaie qui ont volé, des briquets, des clefs de
voiture ...
C.M. : Tu les as ramassés ? P.M. : Oui, j'ai ramassé les clefs de voiture et je les ai ramenées en France. Je les garde dans un panier
... (rires)
C.M. : Quels sont les inconvénients ? P.M. : La seule chose qui m'embête maintenant ce sont les déplacements. Je commence à
vieillir. Ce n'est pas le match, j'aime ça. C'est plus le déplacement et son organisation. Je me rends compte que je les
organise de plus en plus tard. Et il va arriver un jour où je vais être à la bourre, où il va m'arriver une tuile.
C.M. : Où habites-tu ? P.M. : J'habite à Nevers. C'est pour cela qu'en semaine à Bourges, c'est très bien.
C.M. : Quel est ton emploi ? P.M. : Je travaille dans l'encadrement de la SNCF. L'arbitrage, maintenant, est passé au second plan.
J'ai fait un choix. A un moment, j'ai eu des difficultés d'emploi du temps.
C.M. : Y a-t-il un âge butoir pour arbitrer ? P.M. : Il y a un âge butoir, jusqu'auquel je n'irai pas. Nous passons des tests physiques pendant
l'année. Je pense que je suis à la fin de ma carrière. Vraiment à la fin !
C.M. : Mais tu n'es pas vieux ? P.M. : Non, je sais bien. Mais, comme je te l'ai dit, j'étais à 20 ans en Pro A. Donc, j'ai fait
beaucoup de matches, il y a de la lassitude et puis les jambes commencent à fatiguer un peu. Sur le terrain, le mental est
là. Mais c'est vrai que ça me manquera comme le niveau international m'a manqué. Il faut faire des choix dans
la vie. J'ai deux enfants, une femme qui est infirmière en plus, un boulot qui n'est pas toujours facile. Ce qui fait que, parfois,
on se court après et j'ai envie de profiter de chez moi. Parce que les pantoufles ne sont pas usées ... comme vous !
C.M. : Quels sont les difficultés de passer d'un match masculin à un match féminin ? P.M. : Il n'y en a pas trop. C'est pas tout à fait le même jeu. Les filles sont plus
engagées. C'est sympa à arbitrer. Je ne dirai pas que tout les matches de filles sont du niveau de ce soir
(interview réalisée le 19 avril 2000, 5ième journée des Play-Off, Bourges 62 / Aix 45). Même avec
l'écart, c'est un match intéressant, il y a plein de choses qui se passent. Bon, Aix… Je ne pense pas qu'elles soient
venues pour gagner. Bourges les ont tuées comme il faut. Ca s'est un peu égalisé à un moment donné.
Mais elles ont joué le jeu, c'est un bon basket. Il faudrait qu'il y ait plus d'équipes de ce niveau là, pour le
niveau français et même international. Ca serait mieux. Il n'y a que 2-3 équipes, c'est comme ça.
C.M. : Prends-tu autant de plaisir ? P.M. : Oui, je prends autant de plaisir.
C.M. : Il n'y a pas de réelles difficultés d'adaptation ? P.M. : ... . C'est pas simple parfois. Quand on est habitué à regarder plus au-dessus du cercle.
C'est plus fort, plus physique mais ça tout le monde le dit. La seule chose qui différencie, c'est qu'il y a des filles
beaucoup plus physiques que d'autres. Il y a vraiment beaucoup d'écart. Je sais que j'ai tendance à laisser jouer. C'est
difficile de savoir si elle vole parce qu'on l'a poussée ou pas. Il y a des bras qui traînent mais bon, ça fait
partie du jeu. Il y en a qui sont complices et d'autres non. Le bon arbitre, c'est celui qui sait faire le tri dans le jeu et qui ne
se trompe pas dans celui-ci.
C.M. : Donc, c'est cela être un bon arbitre pour toi ? P.M. : C'est ça et être constant.
C.M. : Penses-tu qu'il faut avoir joué pour être un bon arbitre ? P.M. : Il faut qu'il ait simplement joué. On en retrouve souvent qui n'ont pas joué ou très
peu, qui ont voulu être arbitre. C'est bien parce qu'il en faut. Mais le petit plus quand on a joué, c'est qu'on a pris des
" pains ", on en a donné, on a pleuré après l'arbitre. Il y a des matches où on est bien content d'avoir fait
ça, parce qu'on peut comprendre un joueur qui râle ! Un mauvais coup de sifflet qui part, on peut difficilement revenir en
arrière. Il est parti… il est parti ! Mais, à nous de faire comprendre pourquoi. Il m'est déjà arrivé
de dire que je me suis trompé. C'est pas pour ça que le coup d'après si elle refait la même chose je ne vais
pas la siffler. Il est évident que, sans faire de la compensation, je vais lui dire " attention, maintenant c'est fini ". Les
garçons et les filles me connaissent. Nous avons chacun notre personnalité, il faut qu'on la garde. L'arbitre ne doit pas
être un robot. Le jour où il l'est, ce n'est pas bon signe.
C.M. : Est-ce frustrant d'être souvent critiqué ou pris pour cible par les joueurs, coaches ou présidents ? P.M. : Il est évident que ce n'est pas agréable de se faire critiquer, mais la fonction fait que
l'on doit faire abstraction de certaines remarques. Par contre, je tolère très mal les réflexions de certains
dirigeants qui un jour te considèrent comme le meilleur du monde et le lendemain te lyncheront sans problème. J'aurai un
peu plus d'indulgence pour les joueurs et coaches dans la limite du raisonnable et des règles. Je pense être un arbitre
qui dialogue facilement et qui n'est pas rancunier. Nous devons rester diplomates dans beaucoup de situations !!!
C.M. : Est-ce difficile d'être à l'arrière plan ? Par rapport aux salaires ou la notoriété par
exemple. P.M. : Je fais partie du jeu avec un rôle important, je ne pense donc pas être à
l'arrière plan. Au niveau salaire, je ne suis pas jaloux et je me satisfais de ce qu'on me donne pour arbitrer, même si
je pense que c'est trop faible par rapport aux salaires des joueurs. Nos décisions sont très importantes et nous n'avons
pas le droit de nous tromper, tout le problème est là. Mais quand je suis sur le terrain, je suis aussi pro que vous et
je ne pense qu'à faire un bon match !
C.M. : Quelle est la limite à ne pas dépasser avant que tu mettes une faute technique ou disqualifiante, l'inexcusable ? P.M. : Il n'y a pas de limite, tout dépend du contexte, de la réaction du joueur, de la
décision précédente, de l'ambiance de la rencontre, de la pression. Beaucoup de paramètres peuvent rentrer
en compte et tout cela en très peu de temps. Je ne donne aucune excuse pour les insultes, je sanctionne tout de suite.
C.M. : As-tu regardé notre finale au Final Four ? P.M. : Oui, c'était un très bon match.
C.M. : Et l'arbitrage ? P.M. : C'était un très bon match ... (rires)
C.M. : Tu ne veux pas en parler ? P.M. : Non, j'ai trouvé 2-3 petites choses, même si vous deviez plier le match avant. En dehors
de ça, il y a des petites choses des deux côtés mais de petites choses.