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Cela fait 5 saisons qu'elle joue à Tarbes, elle vient d'être élue meilleure étrangère du championnat pour la seconde fois consécutivement, elle a gagné le titre WNBA avec Houston, elle a son propre site Internet, et quand elle était jeune en Bulgarie, il lui est arrivé de s'entraîner à la bougie, elle est ? ... Polina Tzekova !



Polina en 96-97 (Photo LaNR)
Depuis que tu as quitté ton pays en 1991, tu n'as joué que dans deux clubs, Priolo 4 ans et Tarbes 5 ans, est-ce que cela veut dire que tu t'attaches au maillot que tu portes ou que tu n'aimes pas changer tes habitudes ?
P.T. Les deux. Quand je mets un maillot sur mon dos, j'y tiens beaucoup. Il y en a qui préfèrent changer chaque année, moi non. Là, où je joue, je me fais des amis et surtout pour une étrangère pour être acceptée quelque part c'est plus dur.

Ca signifie que l'année prochaine, tu joueras encore pour Tarbes ?
P.T. Oui, ça c'est sûr, pour cette raison mais aussi parce que Jean-Pierre Siutat revient au club !

Tu viens d'être élue, pour la seconde année consécutive, meilleure étrangère du championnat de France. Est-ce que c'est une récompense à laquelle tu attaches de l'importance et est-ce qu'elle signifie que Poli c'est comme les grands vins, plus ça vieillit, meilleur c'est ?
P.T. (rires) Ca, c'est valable pour les gardiens de but ! Ces récompenses stimulent mon ambition pour en faire encore plus. Cette année, en revanche, cela m'a surpris car j'ai fait des matches assez mauvais (NDLR : 20 points et 10 rebonds par match avec quelques matches mauvais ...), j'ai eu une période où je n'étais pas régulière, même si j'ai mis cela sous le coup de la fatigue. Et, c'est vrai que quand je l'ai lu dans les journaux, cela m'a permis de penser que, tout de même, je faisais bien mon boulot ! Après, pour le vin on verra, si l'année prochaine je suis encore élue alors c'est que je suis comme le bon vin !

Tu es un des rares pivots à être capable de shooter à 3 points ...
P.T. (elle me coupe) Je crois que c'est moi qui ait mis cela à la mode en Europe ! Quand je suis arrivée en Italie, j'ai commencé à shooter à 3 points, et ensuite j'ai vu d'autres pivots qui faisaient la même chose. Par exemple, Yulia (Gureeva, l'autre pivot, mais russe, du TGB) quand elle est arrivée au TGB m'a dit "moi, je ne peux pas shooter à 3 points", je lui ai dit essaye et maintenant elle marque aussi.
(je reprends la suite de ma question) ... est-ce que c'est une partie de ton jeu que tu travailles beaucoup ?
P.T. Je n'ai jamais travaillé le shoot. C'est quelque chose de naturel. En revanche, l'entraîneur que j'avais, en Bulgarie, quand j'étais jeune, m'a beaucoup fait travailler les mouvements du pivot. Et il m'arrive parfois de faire des gestes que je n'ai jamais travaillés et alors je m'étonnes moi-même. Le shoot à 3 points, je m'en sers car je sais que c'est très difficile de défendre sur un pivot qui shoote de loin et qui est mobile.

Avec l'arrivée de Yulia Gureeva à Tarbes, qui joue aussi en 5, ta position a évolué vers le 4 et même le 3. Est-ce que ce sont des rôles qui te conviennent ?
P.T. Le 4 me convient. Le poste 3 me plaît aussi mais il me manque encore beaucoup de travail, je n'ai pas un bon dribble pour faire du un contre un comme une ailière. A Bordeaux, pour le premier match des playoffs, j'ai perdu 1500 ballons car l'ailière qui défendait sur moi savait me piquer facilement la balle. Mais je peux jouer ailière, en prenant le ballon sur place et en shootant. Mais, j'aimerais bien, peut être que cela sera le point à travailler l'année prochaine. Il n'est jamais trop tard pour apprendre quelque chose, il n'est jamais tard pour progresser, si tu en as envie.

Une de tes volontés est d'apprendre la langue du pays dans lequel tu vis puisque tu parles couramment italien et français. Est-ce nécessaire à tes yeux pour mieux s'impliquer dans l'équipe ?
P.T. Bien sûr ! quand je suis arrivée aux USA, l'anglais je ne le parlais pas très bien et là j'ai vu que tout le monde s'énervait car je devais attendre que quelqu'un traduise les propos du coach, ça ralentissait la progression de l'équipe et ça m'énervait moi aussi. Durant les matches quand le coach te parle tu essayes de comprendre ce qu'il te dit, tu ne comprends pas tout de suite, il s'énerve, il crie. pour le respect du travail des autres, c'est nécessaire. Quand je suis venue d'Italie en France, j'ai commencé à apprendre toute seule. Tout d'abord avec la politique, j'ai appris le nom de tous les ministres, le premier ministre, le président. Tu vis dans un pays, tu travailles dans un pays et j'aime bien savoir qui dirige ce pays.


Polina en WNBA (Photo WNBA.com)
Tu as eu l'année dernière ta première expérience américaine avec le championnat WNBA que tu as d'ailleurs gagné avec les Houston Comets. Est-ce que tu en as tiré des enseignements ?
P.T. Tout d'abord, c'est le rêve de toute européenne d'aller là-bas. L'année où j'ai été draftée (NDLR : 1998), j'avais beaucoup de problèmes personnels et je n'avais plus le basket en tête et j'ai préféré ne pas y aller alors que l'équipe comptait sur moi. J'étais sûre que je ne pouvais rien apporter. L'été dernier, j'étais bien dans ma tête, ils m'ont fait confiance alors j'y suis allée. Je suis en fin de carrière, j'ai connu toutes les compétitions et il ne me manquait que la WNBA a connaître. Et je suis fière de moi car je suis une des rares européennes qui se retrouve dans un cinq majeur (NDLR : et dans le meilleur) dès son arrivée là-bas, et en plus j'ai tenu jusqu'au bout car, on ne le sait pas, mais il y a pas mal d'européennes qui, en milieu de saison, prennent leur valise et rentrent. La mentalité n'est pas la même, le basket n'est pas le même. C'est difficile. Et moi, je me suis dit que je devais rester jusqu'au bout, mais c'était dur quand on est comme moi, attaché à la famille. Tu es toute seule, la mentalité est différente, il faut que tu dises je suis la meilleure, je suis la plus belle, je suis la plus grande et c'est pas du tout mon genre. Au début, je l'ai mal vécu et ensuite j'ai fait comme eux et cela a fini par aller mieux.

Tu as gagné la Ronchetti 96 avec Tarbes et le titre WNBA avec Houston, est-ce que l'une des deux victoires te fait plus plaisir que l'autre ?
P.T. La Ronchetti. Déjà quand tu commences le basket et que tu es petite, tu as la Ronchetti dans la tête. La WNBA, là-bas le basket c'est le show, c'est le Hollywood du sport. Tout est fait pour l'argent, la publicité ... Ici, tu es une famille, tu travailles aux entraînements, les matches ... La Ronchetti, je me souviens encore de la fête, la Ronchetti, je l'ai dans la tête depuis que je suis toute petite, et quand tu touches la coupe, tu te dis que tu viens de réaliser un rêve.

Connaissant la fatigue que ça entraîne, est-ce que tu penses retourner aux USA cet été, sachant que le championnat de France ne va reprendre que le 21 octobre ?
P.T. J'ai la proposition, j'ai le contrat. Ce qui ne me plaît pas, c'est justement ce contrat, c'est le même que le précédent. Mais c'est vrai que ma santé c'est aussi bien plus important. Cela fait presque deux ans que je n'ai pas pris des jours d'arrêt. J'ai compté que j'ai fait plus de 150 matches en deux ans. Je suis très fatiguée et comme je veux encore jouer un ou deux ans au maximum et que l'année prochaine le TGB va avoir une bonne équipe, je veux bien me reposer. Je veux aussi voir ma famille, car je ne rentre en Bulgarie que pour des périodes de trois ou quatre jours. Je veux bien recharger les batteries pour l'année prochaine.

A la mi-mai, tu es invitée à dîner à la Maison Blanche avec toute l'équipe de Houston. Est-ce que tu as prévu de dire quelque chose à Bill Clinton ?
P.T. Ca, c'est une bonne question (NDLR : et il la remercie ...), il faut que j'y pense ! Non, en fait, j'y ai déjà pensé. Bill Clinton est venu en Bulgarie, il y a trois mois pour une visite officielle et tout le monde parle de lui comme d'une personne naturelle et nous, nous respectons beaucoup les gens qui, dès leur arrivée, prononcent quelques mots en bulgare. Et lui, lorsqu'il est monté sur la tribune, il a dit "bonjour Bulgarie" en bulgare et ça, les gens, ça leur rentre vraiment dans le cœur. Tout le monde ne parle plus de Bill Clinton que comme de quelqu'un de chez nous ! Et j'aimerais bien lui dire que la Bulgarie est encore émue de son passage.

Tes statistiques WNBA (NDLR : environ 6 pts et 5 rbds en 24 mn) n'ont absolument rien à voir avec celles que tu collectionnes depuis 10 saisons en Europe (21 pts et 9 rbds !), est-ce que tu peux nous expliquer ?
P.T. Ce n'est pas du tout le même basket. Là-bas, la dernière chose que j'avais à faire, c'était de shooter. Et les gens disaient que pour quelqu'un qui vient pour la première année en WNBA ce sont des super statistiques ! Moi, j'ai été surprise de sortir d'un match avec 5 rebonds et 4 points, et le coach il vient vers toi "t'as fait un super match !", là j'ai compris ce que défense veut dire dans le basket. Les gens préfèrent que je fasse deux interceptions que de marquer 20 points. Mon travail pour l'équipe était de faire les meilleurs écrans possibles et de jouer en défense, car moi en défense c'est "plus zéro que moi tu meurs !" (NDLR : J'en connais pas mal de décédées alors ...). Après, je me suis mise à m'entraîner un peu plus, c'est le physique, le physique ! Ici, je passe pour une joueuse qui fait partie des plus physiques d'Europe, là-bas, j'étais le pivot le moins physique de toute la WNBA. C'est incroyable, tu dois changer toutes les habitudes que tu as prises depuis 20 ans. Mais c'est vrai aussi que j'étais dans une équipe avec beaucoup de shooteuses stars et cela au début, je l'ai pris assez mal, ensuite c'est devenu le plaisir de faire de bons écrans. Ca, tu l'apprends avec le temps et je crois que j'ai beaucoup mûri après cette expérience en Amérique.

Des fans américains viennent d'ouvrir le site polinatzekova.com qui t'est entièrement consacré, cela t'inspire quelques remarques ?
P.T. Cela me fait plaisir car les gens, dès que j'étais sur le terrain, criaient comme des fous "POLINAAAA". Parfois je voyais des plaquettes "la bombe de Bulgarie". Je reçois encore des lettres de fans, des cartes pour Noël et plus venant des USA que d'Europe. Ca veut dire que j'ai laissé quelque chose dans la tête de ces gens, ça me fait vachement plaisir !

Est-ce que tu avais un modèle de joueuse quand tu étais plus jeune ?
P.T. Katrina McClain, c'était mon idole. Partout je suivais sa carrière, je voulais tout faire comme elle et je disais "un jour je veux être comme elle". Mais chaque joueuse a sa personnalité, et parfois j'entends des petites dire "je veux être comme Polina" alors ça me fait plaisir.


A. Wauters en défense sur Polina
Tu es une des meilleures intérieures européennes, est-ce qu'il y a des joueuses qui t'ont, un jour, posé des problèmes ?
P.T. Dans quelques jours, je vais faire 32 ans (le 30 avril) et il y a des "petites" qui arrivent, comme Ann Wauters, qui sont très fortes. J'ai toujours dit que si quelqu'un l'aide à améliorer son shoot à mi-distance, elle va devenir, d'ici 3 ou 4 ans, le meilleur pivot du monde ! Il faut surtout qu'elle reste avec les pieds par terre, car si tu prends le melon (sic) t'es foutue ! Mais, pour revenir à ta question, je préfère jouer Margo Dydek que Nicole Antibe.

Tu as participé aux JO de Séoul 88 avec l'équipe de Bulgarie où vous avez terminé 5ème du tournoi. Est-ce que cela fait partie de tes meilleurs souvenirs basket ?
P.T. Non ! ... Non, parce que je me suis rompu un ligament du genou dès le premier match (NDLR : doué, le questionneur !).

Je n'aurais pas dû en parler alors ?
P.T. Non, j'avais 20 ans et à 19 ans j'avais déjà été élue dans les dix meilleures joueuses européennes. Je me suis alors dit que je pouvais laisser quelque chose, une trace, dans l'Europe du basket. Je me suis mise à bosser, du matin jusqu'au soir j'étais dans la salle. A l'époque en Bulgarie, il y avait beaucoup de problèmes économiques, parfois on n'avait pas d'électricité dans la salle et je m'entraînais à la bougie. Cela m'a beaucoup aidée car maintenant tu as l'orientation du panier et il m'arrive de shooter sans savoir où il est : je sais que le panier est là ! Tout ça pour dire que j'ai beaucoup travaillé et que quand j'ai été sélectionnée dans l'équipe olympique c'était merveilleux. Je me souviens avoir pleuré quand j'ai vu la flamme s'allumer et après contre l'URSS j'ai pris un ballon, je me suis tournée et me suis retrouvée sur la table de marque ... et j'ai fini les Jeux au plâtre ! Ca a été un tournant dans ma vie sportive car, à partir de là, ça a été opération sur opération sans arrêt. Mon meilleur souvenir, c'est en fait en 85, le championnat d'Europe en Italie quand on a gagné la médaille d'argent, j'étais la plus jeune de l'équipe. J'avais passé l'été à m'entraîner avec toutes les formations de la fédération : avec les cadettes, les juniors et les seniors. Et j'ai joué dans les trois catégories. C'était ma meilleure année.

Malgré ce qui t'es arrivé, est-ce que tu peux dire aux françaises qui vont aller aux JO, qu'est-ce que cela représente ?
P.T. C'est une fête. Tu peux côtoyer beaucoup de personnes et parfois cela peut t'arriver d'avoir comme partenaire de table Carl Lewis ou Ben Johnson (NDLR : avant qu'il se fasse prendre !). Tout le monde se respecte car on sait pourquoi tu es là. Je me souviens qu'un soir on est parties en boîte avec les garçons de l'équipe US de basket, Dan Majerle, Danny Manning qui était tout le temps avec moi car ça l'embêtait que je sois avec un plâtre, que je ne pouvais pas m'amuser. Moi, je ne parlais pas du tout l'anglais et lui ne connaissait rien du bulgare mais on a bien passé la soirée quand même ... En fait, les cinq cercles, ça représente exactement les JO, l'amitié entre tous, entre toutes les races.


Quand Valenciennes trappe (La NR)
La Bulgarie possède de très bonnes joueuses, toi, les sœurs Branzova et sûrement d'autres que je ne connais pas, et même si tu ne joues plus avec ton équipe nationale, comment se fait-il que l'on ne parle que très peu du basket bulgare et de son équipe nationale ?
P.T. Avant, l'équipe bulgare jouait tous les grands championnats, mais avec l'arrivée de la démocratie, contrairement au communisme qui donnait beaucoup d'argent au sport, il n'y a plus la possibilité de trouver des moyens pour faire des préparations, pour acheter des équipements. Et maintenant l'équipe bulgare, au lieu de jouer le championnat d'Europe, joue les qualifications pour les qualifications du championnat d'Europe. Et déjà quand on passe ce tour-là on est contentes ! Mon problème est de ne plus être habituée à cela, parfois il faut te payer la nourriture. Ce n'est pas que ça me gêne mais après tes problèmes deviennent : comment je vais survivre, ce n'est plus le basket. Moi, avec toutes ces années passées loin de ces problèmes, je me suis habituée à ne penser que basket dans mon travail. C'est vrai que la vie est dure en Bulgarie, je le reconnais. Quand les filles venaient à l'entraînement c'était plus "comment je vais pouvoir payer mon électricité ?" et ça c'est triste ! C'est pour cela que, tout doucement, le sport en Bulgarie, et le basket surtout ... (elle ne finit pas sa phrase, un peu nouée ...). Le sport n'est pas sérieux, une année, les filles ont joué sans être assurées, on fait des déplacements en car où tu crèves de chaud dedans, il me faut après cinq jours pour récupérer, je deviens nerveuse, je "gueule comme une malade" (sic) ... Alors, maintenant, je ne joue plus pour la Bulgarie, je veux jouer mes dernières années pour moi.

Tu as maintenant des attaches tarbaises, est-ce que cela veut dire que la fin de carrière de Poli sera française et tarbaise (NDLR : elle attend sa naturalisation pour bientôt) ou peux-tu envisager d'aller jouer ailleurs ?
P.T. Non, ma carrière, je vais la finir à Tarbes, ça c'est clair ! Je tiens à Tarbes, je tiens aux gens parce que, quand je suis venue à Tarbes, j'avais des problèmes de contrat avec mon ancien club italien (NDLR : Priolo), le TGB m'a beaucoup aidée lorsque l'affaire était au tribunal. A cette époque-là, j'étais prête à arrêter le basket, et je dis toujours que si je joue encore c'est grâce au TGB et, jusqu'au bout, je vais donner ce que je peux pour ce club ! Avant, le TGB était un club très fort et j'aimerais que le club ait retrouvé ce niveau quand j'arrêterai. Après je resterai à Tarbes, j'ai comme on dit "mon moitié", du côté de ma vie privée cela s'arrange super bien. Ce n'est pas facile d'être comme tu veux dans la vie quand tu es connue, moi je voulais rencontrer quelqu'un qui aime Poli et pas Polina Tzekova, je crois que je suis bien tombée.

Que comptes-tu faire après ?
P.T. J'ai un diplôme équivalent au BE1, et j'aimerais bien rester dans le monde du sport mais plutôt avec des enfants.

Qu'est-ce qu'apprécie Poli quand elle ne joue pas au basket ?
P.T. Poli, elle apprécierait être maman ! Je suis une basketteuse mais je suis avant tout une femme, je crois qu'il y a des choses qui passent avant la carrière et je pense que la fierté d'une femme c'est d'être mère ! Et je suis capable de faire une croix sur ce qui a dirigé ma vie depuis le début, le basket, pour l'être !